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212 CHAPITRE III. — FORMATION DE L'ILIADE

que possible de la Querelle^ puisqu'Agamemnon ne pouvait se décider à une démarche aussi humiliante immédiatement après avoir offensé Achille et l'avoir traité avec tant de mépris. Ces raisons combinées la firent placer après les Exploits de Diomède et les chants qui en dépendent. Seulement, comme ces chants ne rapportaient que des avantages obtenus par les Achéens et que TAmbassade ne pouvait se comprendre qu'après une grande défaite, il fallut bien créer celle-ci. De là le livre VIII, qui n'est vrai- ment qu'un chant de raccord et qui en porte si ma- nifestement tous les caractères.

On pourrait multiplier ces exemples, mais en multipliant aussi les conjectures. Qu'il suffise donc ici d'avoir indiqué la nature de ces raccords. U Iliade s'acheva ainsi peu à peu. Plus elle grandit, plus elle devint une et serrée. Aucun de ceux qui tra- vaillèrent ainsi à l'étendre et à la compléter ne se proposa sans doute jamais de la réciter d'un bout à l'autre ; l'usage des récitations courtes et indépen- dantes avait suffi à la faire naître et suffit aussi à la transformer en un poème proprement dit. Ce n'est donc pas l'artifice d'un arrangeur ni d'une commis- sion de littérateurs qui l'a faite ce qu'elle est; ce fut le libre travail de plusieurs poètes dominés par la grandeur d'une création primitive qu'ils voulurent perfectionner en la développant. L'unité était vrai- ment en elle tout d'abord, mais à mesure que les vides du récit primitif se comblèrent, elle apparut de plus en plus nettement. S'il était permis d'expri- mer ces faits par une image qui les rendrait plus sensibles, on pourrait dire que le premier poète avait élevé de sa main puissante sur l'immense ter- rain de la légende trois ou quatre tours superbes pour marquer l'espace qu'il s'y était réservé ; ses

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