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COMPOSITION DES GRANDS RECITS 223

ou pour dire plus encore, vraiment homérique, c’est la simplicité hardie de cette raison si nette et si lumineuse. Nulle poésie au monde n’est plus pénétrée de cette croyance , réfléchie ou inconsciente, que l’art est un choix. Viser à un certain effet, et l’obtenir par une combinaison simple de moyens appropriés, voilà en quelque sorte sa formule. Le parti pris si assuré avec lequel elle passe pardessus les détails inutiles, et même par dessus ceux qu’on pourrait croire utiles, toutes les fois qu’elle a besoin d’aller vite, est admirable. La minutie lui est aussi étrangère que la précision lui est naturelle. Tout inspirée de la réalité, elle y est moins asservie qu’aucune poésie connue. Les hommes et les choses ne se montrent au poète qu’en ce qu’ils ont d’essentiel, et par suite, pour les peindre, il procède par larges touches avec liberté et grandeur. Plein d’une impression dominante qu’il veut traduire, il sacrifie tout ce qui ne s’y rapporte pas ; ou plutôt il n’y a pas de sacrifice, car il semble que la justesse puissante de son esprit ne lui permette seulement pas de s’y arrêter. Par là encore et surtout, la poésie de V Iliade est le type de l’art grec , à moins qu’on ne préfère dire qu’elle est le type de l’art absolument.

Grâce à ces qualités, la composition des grands récits de l'Iliade est particulièment remarquable. On ne saurait dire qu’elle soit étudiée ni savante, tant on y sent peu le travail et la préméditation ; mais les plus longs développements s’y distribuent avec une aisance et un ordre qui révèlent assez une conduite réfléchie. Une ample action dramatique, comme la défaite des Achéens au XI® livre, est embrassée sans peine par le poète dans son ensemble. Il y distingue du premier coup d’œil la chose

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