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XVIII
PRÉFACE

idée de la constitution anglaise, impossible[1]. » Stendhal en somme a raison, malgré le ton de persiflage un peu pédantesque dont il use et abuse. L’abbé Barthélemy s’attarde trop souvent à décrire ce qui ne vaut pas la peine d’être regardé, et il ne voit pas l’âme des choses. Il répand sur son sujet une élégance terne et monotone qui fausse l’aspect de la réalité. Il n’a pas senti la joie de cette « pure lumière », φάος ἁγνόν, que les poètes grecs ont chantée, ni, avec Socrate marchant pieds nus, la fraîcheur de l’Ilissus. L’esprit de la Grèce lui échappe. Malgré ses efforts méritoires pour nous montrer l’Académie et Scillonte, Platon, dans son livre, garde encore cette robe de docteur que Pascal voulait qu’on lui ôtât, et Xénophon, chassant avec son hôte, a beaucoup moins l’air de l’ancien chef des Dix-Mille que d’un académicien du xviiie siècle lisant à ses confrères un mémoire sur l’Art de la chasse dans l’antiquité. Les intentions sont bonnes, le succès est médiocre. Il est évident qu’au temps de l’abbé Barthélemy, et malgré les progrès partiels dont son livre offre la trace, l’atmosphère littéraire est viciée par trop de civilisation. Il faut qu’un grand souffle s’élève pour chasser toutes les conventions, toutes les élégances, pour rendre à l’air de la fraîcheur, et pour donner à l’homme moderne le sentiment des âges disparus.

Cette rénovation s’accomplit à la fin du xviiie siècle

  1. Histoire de la peinture en Italie, livre VI, chap. cxi, note. Stendhal ajoute avec bien de la justesse : « Le seul pays où l’on connaisse les Grecs, c’est Gœttingue. »