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354 CHAPITRE VII. — L'ART DANS L'ODYSSEE

laissait h l'intelligence la liberté de s'instruire et de reconnaître les choses dont on lui parlait. L'épopée, pour leur plaire, devait donc se rapprocher de l'his- toire, c'est-à-dire de la réalité.

11 n'y a guère dans V Odyssée que deux scènes, qui rappellent par des effets grandioses ou terribles certains passages de V Iliade : la description de la tempête, au V* livre, et celle du massacre des pré- tendants au XXIP. La première a précisément le genre de grandeur que nous avons noté dans Y Iliade; quelques effets simples et frappants, pro- duits par un petit nombre de traits énergiques, qui ressortent d'autant plus que la description est moins chargée de détails :

« En parlant ainsi, Poséidon rassembla les nuages, et sai- sissant à deux mains son trident, il bouleversa la mer. Tous les souffles des vents se déchaînèrent à la fois de tous côtés ; un voile épais de vapeurs enveloppa soudain la terre et la mer; et du ciel une masse de ténèbres descendit. Euros et Notos fondirent ensemble sur les flots, et avec eux Zéphyre au souffle terrible, et Borée né au plus haut des cieux, roulant devant lui les flots amoncelés'. ... Comme en un jour d'automne, quand Borée chasse à travers la plaine des ronces arrachées aux buissons, qui s'enlacent étroitement en faisceau, ainsi, à travers la mer, les rafales poussaient Ulysse çà et là; et tantôt le vent du Midi le lançait comme un jouet au vent du Nord, tantôt le vent d'Est le livrait au vent d'Ouest qui le chassait devant lui^. »

Toutes les terreurs et toutes les violences de la tempôle sont ici comme l'assemblées en quelques mois. Et cette impression de grandeur ne résulte pas seulement d'un ou deux passages du récit, elle sub- siste depuis le commencement jusqu'à la fin. Mais

1. Odyssée, V, 290-298.

2. Otiyssn' V. 327-332.

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