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ULYSSE 369

les yeux. Si les épreuves d'Ulysse sont d'une nature exceptionnelle, elles ressemblent cependant à toutes les épreuves possibles par les souffrances qu'elles infligent à celui qui en est victime et par les qualités morales ou intellectuelles qu'elles l'obligent à mettre en jeu. Nous avons donc là sous les yeux l'exemple d'inquiétudes, de regrets, d'angoisses, de craintes, d'humiliations plus ou moins analogues à celles qui se rencontrent dans toute existence humaine ; à ce point de vue, le rôle d'Ulysse est unique dans l'épopée ; il nous offre comme un raccourci des épreuves et des douleurs auxquelles nous sommes sujets, et il nous donne le spectacle fortifiant du triomphe de l'intelligence associée à l'énergie. On sait combien l'antiquité en a été frappée. Même sans la Télémachie, VOdyssée aurait été populaire dans le Péloponnèse et particulièrement à Sparte; une allu- sion qui subsiste encore dans un fragment du poète Alcman prouve qu'elle y fut bien connue et aimée*. Rien de plus naturel. Le héros de VOdyssée était en quelque sorte le type de la vertu lacédémo- nienne, avec moins de raideur toutefois et plus d'adresse. Plus tard la philosophie a repris cette idée et l'a encore exagérée. Elle a semblé prêter aux vieux poètes des intentions d'enseignement qu'ils n'ont pu avoir et qui auraient nui à leur exquise naïveté*. La poésie homérique ne tenait pas école de morale. Mais comme toutes les grandes poésies, elle servait la morale en représentant la vie humaine qui ne s'en sépare pas. Dans cet ordre d'idées, la

��1. Poet, lyrici grxci de Bergk, Alcmaiiy fr. 41.

2. Horace, Epîtres^ I, 2, v. 17 et suiv.

Rursum quid virtus et quid sapicntia possit Utile proposuit iiobis cxcmplar, Ulyssem.

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