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LES AÈDES 409

que Tart devait un jour produire, ils trouvaient un plaisir naïf et profond dans ces longues et pathé- tiques narrations, qui étaient pour eux l'image même delà vie.

Les aèdes en général n'étaient pas de simples ré- cilateurs. Ceux de V Odyssée sont évidemment conçus comme les auteurs des chants qu'ils récitent, puisque la Muse est censée les leur avoir enseignés, et on ne peut douter qu'au temps où la poésie épique était en plein essor, il n'en fût ainsi le plus souvent. Le véritable aède était donc un poète, et, outre l'aptitude naturelle, il avait besoin, à ce titre, de posséder une réelle science acquise. Cette science consistait dans la connaissance pratique de la versification, dans l'expérience de la langue épique, et enfin dans la connaissance des légendes qui formaient le fonds naturel de toute poésie. Bien qu'aucun témoignage contemporain ne nous apprenne comment se faisait l'éducation technique des aèdes, il est permis d'affir- mer qu'il en était de cet art comme des autres, de la divination ou de la médecine par exemple. Les maîtres le transmettaient à des disciples, et souvent les pères à leurs enfants. Lorsque Phémios, dans y Odyssée^ se donne pour autodidacte*, c'est là ou un fait exceptionnel qu'il allègue en sa faveur afin de rehausser son mérite, ou peut-être même une simple manière de parler, par laquelle il donne à entendre qu'il s'instruit lui-même des légendes nombreuses et variées, matière naturelle de la poésie.

Les aèdes du y^voç des Homérides ne différaient en rien des autres. De Chios, ils durent, dans leurs voyages, porter leurs chants dans les villes de la Grèce

1. Odyss.y XXII, 347 : AuToSiSaxio; 8' £Îa^ OeÔ; hé [loi êv ^pea'iv orjia;

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