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524 CHAPITRE XI. — LES TRAVAUX ET LES JOURS

l'imagination si vagabonde ; c'est à lui-même qu'il rapporte tout, ce sont ses sensations et ses observa- tions personnelles qu'il exprime :

« Quand le chardon fleurit, quand la cigale bruyante posée sur un arbre fait entendre sa chanson stridente en agitant vivement ses ailes, dans la saison des chaleurs accablantes, alors les chèvres sont grasses, le vin est délicieux, les femmes sont avides de plaisir et Thomme est épuisé. Sirios brûle sa tête et dessèche ses membres : le corps est exténué par Tar- deur du soleil. Il lui faut Tombre d'un rocher et le vin de Naxos, du pain bien cuit, le lait d'une chèvre qui vient d'être éloignée de son petit, la chair d'une génisse nourrie dans les bois et trop jeune encore pour être mère, et celle d'un tendre chevreau. Bois en outre du vin brillant, assis à l'ombre, quand ton appétit est satisfait, et tourne alors ton visage vers le souffle vif du Zéphyre, auprès d'une source intarissable et limpide, que rien n'a troublée * . »

Une chose bien digne d'attention et bien hellé- nique, c'est que ces petits tableaux, composés de menus détails, ont néanmoins de l'unité et ce qu'en matière de peinture on appelle du style. La raison en est facile à donner : aucune de ces petites choses n'est exagérée comme si elle voulait faire de reflet par cUc-mcme; ce sont des traits de vérité qui con- courent ensemble à une impression générale parfai- tement nette; et cette impression csl si simple, si humaine, si large même, que malgré la finesse des éléments dont elle s'est formée, elle a une sorte de grandeur.

On peut se demander toutefois jusqu'à quel point ce poète si exacl, si attentif à la vérité des sensa- tions, était capable de composer un ensemble plus considérable. 11 n'y a vraiment qu'un seul passage des Travaux qui semble offrir le moyen de répondre

1. Travaux j v. 582 et suiv.

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