Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
LA RACE GRECQUE ET SON GÉNIE

monde de ses souvenirs, de ses fictions et de ses fantaisies ressemblait naturellement à celui qu’il voyait en réalité autour de lui.

Rien n’est plus instructif à cet égard que sa mythologie. Comme elle appartient à toutes les tribus grecques simultanément et à la période la plus ancienne de leur histoire, elle est particulièrement propre à montrer le tour d’imagination qui a prévalu dès les temps les plus reculés dans l’ensemble de la race. Or n’est-il pas remarquable de voir combien les grands phénomènes naturels qui servent de fondement à ses fables y ont pris tout d’abord des formes nettes et simples, aussi arrêtées dans leur physionomie que dans leur contour ? La plupart des dieux y apparaissent comme des êtres humains. S’il reste par hasard en eux à l’origine quelque chose de mal défini, la poésie travaille instinctivement à l’éliminer. On se les représente comme environnés de lumière. Loin de rester à demi plongés dans l’inconnu et dans le mystère, ils en sortent tout entiers pour s’offrir à l’esprit des croyants dans leur beauté sensible. Et lors même que leur nature première se prête le moins à cette transformation, on la leur impose encore autant que possible. Quand l’imagination grecque personnifie l’éclair et la foudre, les tempêtes, les tourbillons, les éruptions volcaniques, c’est-à-dire des forces immenses et déchaînées, elle les simplifie et les limite le plus qu’elle peut. On ne trouve rien absolument dans la mythologie grecque d’analogue aux conceptions

    des promontoires, c’est aussi le profil si pur et si net des montagnes aux assises de calcaire ou de marbre : on dirait des masses architecturales, et maint temple qui les couronne ne paraît qu’en résumer la forme. »