Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t4.djvu/104

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tiquité[1]. Beaucoup de critiques modernes la partagent. M. Classen estime que, dans cette dernière partie de l’ouvrage, « la précision moins grande du récit et la moindre netteté de l’expression trahissent le manque d’un dernier coup de lime[2] ». M. Stahl, sans nier complètement les faits, en donne une explication différente : il croit qu’il faut en chercher la cause dans la négligence des copistes, toujours moins attentifs à la fin de leur travail qu’au début[3]. Il y a évidemment peu de chances d’arriver sur ce point à une solution ; ne perdons pas notre temps à la chercher[4].

Un autre trait frappant, dans ce huitième livre, c’est l’absence de grands discours en style direct. Faut-il voir dans cette absence une nouvelle marque de l’état d’imperfection où Thucydide a laissé la fin de son œuvres, ou doit-on l’expliquer par d’autres causes ? Si la première explication est vraie, elle conduit à des conséquences intéressantes : nous saisissons alors sur le fait, dans le huitième livre, le mode de formation de l’ouvrage entier ; nous avons sous les yeux comme un premier état de l’œuvre d’art, non définitif, d’où il est permis de conclure que Thucydide commençait à écrire, avec le récit des faits, une simple analyse sommaire des paroles prononcées, qu'il ajoutait après coup les discours proprement, c’est-à-dire la philosophie politique. Mais cette opinion a trouvé des contradicteurs. Dès l’antiquité, Cratippe, un continuateur fort obscur de Thucydide, expliquait l’absence des discours

  1. Marcelilin, 44.
  2. Classen, Vorbemerkungen (en tête de son édition du VIIIe livre).
  3. Stahl, De Thucydids vita et scriptis, p. xiii
  4. M. Mahaffi (History of classical Greek Literature, t. II, p. 115, suivant d’ailleurs d’assez près l’opinion de W. Mure (A Critical History of Greek Literature, t. V), croit à une assez forte part d’interpolations postérieures.