Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t4.djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont, par métier, les hommes du moment présent. Les historiens s’occupent plus d’Athènes elle-même que des choses antiques ou étrangères. Ses philosophes mettent la morale sociale au centre de leurs systèmes. S’il se fait, durant la période attique, quelque tentative importante dans l’ordre des sciences naturelles, c’est en dehors d’Athènes ou par les moins attiques de ceux qu’elle a adoptés. L’esprit attique a donc ses limites très nettes et assez resserrées. Quelques-uns seront tentés de lui en faire un reproche. N’oublions pas, cependant que les défauts, dans une riche nature, ont ordinairement leur contre-partie. Ce que l’esprit attique a perdu en étendue, il l’a certainement gagné en force et en précision.

Même originalité dans la manière d’exprimer les idées.

On sait la discussion qui s’éleva entre Cicéron et son ami Brutus au sujet de l’éloquence attique. Brutus ne voulait reconnaître l’atticisme que dans une élégance sobre et un peu grêle, comme celle de Lysias. Cicéron, tout en goûtant fort l’atticisme de Lysias, n’admettait pas une définition qui l’eût obligé à exclure de la liste des attiques Eschine et Démosthène. Il y a, disait-il, des attiques des plusieurs sortes[1]. Quintilien répète la même idée : il distingue entre un certain fond commun et les diversités individuelles, parfois très marquées ; il ajoute que ce fond commun, c’est un goût fin et pur[2]. Cicéron et Quintilien ont raison. Eschyle ne ressemble guère à Aristophane, ni Lysias à Thucydide, ni Platon à Démosthène ; et pourtant ils ne sont pas absolument étrangers non plus les uns aux autres. Bornons-nous aux écrivains en prose. Ce qui fait le fond de l’atticisme, c’est une raison vive et fine. Cette

  1. Cicéron, Orator, 5.
  2. Judicium acre tersumque (Inst. Orat., XII, 10, 20).