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pleines de conseils, d’assemblées, de discours. Les rois s’appellent « hommes qui délibèrent » ({{|lang|grc|βουληφόροι ἄνδρες}}). Bien parler est aussi nécessaire pour un roi que bien combattre ; ce sont deux parties essentielles de son métier. Phénix apprend l’un et l’autre à Achille enfant :

Μύθων τε ῥητῆρ’ πρηκτῆρά τε ἔργων[1].

L’éloquence est un don des Muses. « Celui des rois qu’honorent les filles du grand Zeus, dit Hésiode, et qu’elles regardent à sa naissance, elles versent sur ses lèvres une a agréable rosée et les paroles coulent de sa bouche douces comme du miel. Les peuples le contemplent tandis qu’il tranche les procès par une exacte justice, et lui, parlant sans défaillance, apaise aussitôt par sa prudence un différend si grave qu’il soit[2]. » Ulysse, Nestor, sont admirés pour leur éloquence. L’homme qui parle bien ; même si les dieux lui ont refusé la beauté corporelle, est regardé par les peuples avec joie et respect, comme un dieu(θεὸν ὥ εἰσορόωσιν)[3].

Cette éloquence revit pour nous dans les poèmes homériques. L’inspiration poétique, dans les discours de l’Iliade et de l’Odyssée, a su restituer la vie, qu’aucun orateur de ce temps n’aurait été capable de retrouver après coup, s’il avait voulu écrire son discours en prose. Au total, l’image est certainement assez exacte. Homère est un témoin pour son temps de la même manière et dans la même mesure que Sophocle ou Racine pour le leur. Il faut les interroger avec prudence et faire la part de la poésie ; mais l’imitation de la réalité tient


    cos in homericis carminibus, Paris, 1874 (thèse). De là des noms propres comme Pisandre, Pisanor, Pisistrate, si fréquents en Grèce de tout temps ; puis, à une date un peu plus récente, les Diagores, Aristagores, Évagoras, Protagoras, etc.

  1. Iliade, IX, 443. Cf, ibid., 489 : Οὔπω εἰδόθ’ ὁμοίου πολέμοιο, – οὐδ' ἀγορέων, ἵνα τ' ἄνδρες ἀριπρεπέες τελέθουσιν.
  2. Théog., 81 et suiv.
  3. Odysée, VIII, 178.