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CHAPITRE IV. — LA POÉSIE ALEXANDRINE

par l’impudence comique d’un marchand d’esclaves, la naïveté bavarde de deux commères, les ruses d’un commerçant beau parleur, la vanité coquette et frivole des élégantes : c’est toute la gamme de ces sentiments moyens et ordinaires dont est faite la vie du plus grand nombre. Le poète ne met d’ailleurs dans ses peintures ni âpreté satirique ni complaisance : il est sobre et impersonnel ; il est vrai. Il ne recherche ni ne fuit la grossièreté ; il la rencontre parfois sur sa route, et il la note d’un trait rapide, sans appuyer. Il ne grandit pas non plus ses personnages sympathiques ; il les dessine d’un trait juste et fin. Son réalisme n’est pas amer : il ne va pas jusqu’au pessimisme. Ses personnages sont quelquefois vicieux ou cruels, mais leurs mauvaises passions, le plus souvent, s’arrêtent à mi-chemin, soit par l’effet d’un obstacle extérieur[1], soit faute d’une force intime suffisante[2]. Et cela même est une ressemblance de plus avec la vie ordinaire, où les grands scélérats sont aussi rares que les saints. Ajoutons que cette humanité, moyenne par ses vertus et ses vices aussi bien que par sa condition, est en même temps l’humanité d’un certain milieu ; elle est très nettement caractérisée par la physionomie particulière que prennent chez elle les sentiments fondamentaux de l’espèce humaine. L’impudence du marchand d’esclaves, la jalousie de Bitinna, le Libertinage de Coritto et de Métro appartiennent à un état de société spécial. De sorte que l’observation d’Hérodas, outre son mérite de vérité générale, a encore celui d’une vérité historique et locale.

L’artiste et l’écrivain, chez Hérodas, ne sont pas indignes de l’observateur. — Il écrit en vers choliambiques, c’est-à-dire en vers iambiques « boiteux », dont le dernier pied, par une irrégularité voulue, est un

  1. Mime I.
  2. Mime V.