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LE COFFRET DE SANTAL

Les rossignols là-haut sont endormis.
Et moi, je pense à ma maîtresse absente.

Le soir, traînant la flèche qui me blesse,
Je vais, longeant la rue aux bruits divers.
Le gaz qui brille aux cafés grands ouverts,
Les bals publics, flots d’obscène souplesse,
Montrent des chairs, bons repas pour les vers.
Mais, que parfois, accablé, je consente,
Muet, à boire avec vous, mes amis,
La bière blonde, ivresse alourdissante,
Parlez, chantez ! Rire vous est permis.
Et moi, je pense à ma maîtresse absente.

Mais il est tard. Dormons. Rêvons d’Elle. Est-ce
Le souvenir des scintillants hivers
Qui se déroule en fantômes pervers,
Dans mon cerveau que le sommeil délaisse,
Au rythme lent et poignant d’anciens vers ?
Enfin, la fièvre et la nuit fraîchissante,
Ferment mes yeux, domptent mes flancs blêmis…
Quand reparaît l’aurore éblouissante,
Voici crier les oiseaux insoumis.
Et moi, je pense à ma maîtresse absente.