Page:Cros - Le Collier de griffes, 1908.djvu/193

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Puis j’insinuai dans la main de Virginie ce billet :

« Je vous expliquerai tout, après. Brouille absolue entre vos parents et moi. L’idéal, le rêve, le prisme de l’impossible, voilà ce qui nous attend. Pour vivre il faut aimer… Il y a une berline en bas : viens, ou je me tue et tu es damnée. »

C’est ainsi que je l’enlevai.

Les facilités que j’avais trouvées dans cette entreprise me stupéfiaient, lorsqu’en chemin de fer je regardais cette jeune fille, élevée tranquillement, destinée peut-être à quelque employé médiocre, et qui me suivait à la faveur d’une série de formules sentimentales, que je n’avais pas inventées, du reste, et que vraiment j’expliquerais insuffisamment.

Nous allions quelque part, on le suppose.

J’avais en effet depuis longtemps préparé, avec ma sagacité personnelle, une délicieuse et méthodique installation dont le but apparaîtra ci-dessous.

Il y avait trois heures de chemin de fer, beaucoup de temps pour l’effarement, les sanglots, les palpitations. Heureusement que nous n’étions pas seuls dans le compartiment.

J’avais préalablement étudié, autant qu’il se peut, la situation dans les romans :

« Tu… Vous me sacrifiez tout.. Comment reconnaître… » Puis après un silence : « Je t’aime, je vous aime… Oh ! les voyages avec la bien-aimée ! L’horizon rougit le soir, ou le matin s’emperle à l’aurore, et l’on