Page:Curchod - Réflexions sur le divorce, 1881.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
18
ÉTUDE

Malgré ces causes d’éloignement et ces défauts de son gouvernement (en est-il de parfaits ?), Mme Necker parvint à attirer dans son salon, par le charme nouveau d’une bonté qui n’était pas plus contestable que sa vertu ; par l’attrait de cet air d’honnêteté, de moralité, de cordialité qu’on ne respirait que là, non seulement les habitués des autres salons à la mode, mais des familiers qu’on ne trouvait point ailleurs. Elle apprivoisa la sauvagerie de Diderot, et l’éloquent cynique fut devant elle respectueux et décent ; elle contint sans l’effaroucher la verve paradoxale et la pantomime simiesque de l’abbé Galiani, et il partagea l’hommage de son assiduité, et plus tard celui de sa fidélité de souvenirs et de regrets, entre la sévère Mme Necker et l’indulgente Mme d’Épinay, quoique gardant un faible pour cette dernière. Enfin Mme Necker trouva moyen de réunir et de maintenir dans ses relations d’hospitalité et d’intimité, dans son commerce de conversation et de lettres, une société dont les disparates et les contrastes ne pouvaient s’effacer et s’apaiser que sous l’influence d’une autorité douce et persuasive comme la sienne. Il fallait certainement, à ne la juger qu’au point de vue de ce difficile et unique triomphe, une