Page:Curie - Œuvres de Pierre Curie, 1908.djvu/460

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que le rayonnement genre cathodique est matériel, alors on peut concevoir que les atomes radioactifs sont en voie de transformation. Les expériences de vérification, faites jusqu’à présent, ont donné des résultats négatifs. On n’observe au bout de 4 mois aucune variation dans le poids des substances radifères et aucune variation dans l’état du spectre.

Les théories émises par M. Perrin et par M. Becquerel sont également des théories de transformation atomique[1]. M. Perrin assimile chaque atome à un système planétaire dont certaines particules chargées négativement pourraient s’échapper. M. Becquerel explique la radioactivité induite par une dislocation progressive et complète des atomes.

Les hypothèses du deuxième groupe, dont nous avons parlé plus haut, sont celles d’après lesquelles les corps radioactifs sont des transformateurs d’énergie.

Cette énergie pourrait être empruntée, contrairement au principe de Carnot, à la chaleur du milieu ambiant qui éprouverait un refroidissement. Elle pourrait encore être empruntée à des sources inconnues, par exemple à des radiations ignorées de nous. Il est vraisemblable, en effet, que nous connaissons peu de choses du milieu qui nous entoure, nos connaissances étant limitées aux phénomènes qui peuvent agir sur nos sens, directement ou indirectement.

Dans l’étude de phénomènes inconnus, on peut faire des hypothèses très générales et avancer pas à pas avec le concours de l’expérience. Cette marche méthodique et sûre est nécessairement lente. On peut, au contraire, faire des hypothèses hardies, où l’on précise le mécanisme des phénomènes ; cette manière de procéder a l’avantage de suggérer certaines expériences et surtout de faciliter le raisonnement en le rendant moins abstrait par l’emploi d’une image. En revanche, on ne peut espérer imaginer ainsi a priori une théorie complexe en accord avec l’expérience. Les hypothèses précises renferment presque à coup sûr une part d’erreur à côté d’une part de vérité ; cette dernière partie, si elle existe, fait seulement partie d’une proposition plus générale à laquelle il faudra revenir un jour.





  1. J. Perrin, Revue scientifique, février 1901 ; H. Becquerel, Comptes rendus, 9 décembre 1901.