Page:Curie - Pierre Curie, 1924.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
PERSONNALITÉ ET CARACTÈRE

affectueux pour ceux des miens qui venaient me voir à Paris ou pendant les vacances.

En 1899, Pierre Curie fît avec moi un voyage en Pologne autrichienne, dans les Carpathes, où l’une de mes sœurs mariée avec le docteur Dluski, et médecin elle-même, dirigeait avec son mari un grand sanatorium. Par un désir touchant de connaître tout ce qui m’était cher, il voulut apprendre le polonais bien qu’il connût peu, en général, les langues étrangères, et bien que je ne lui eusse point conseillé cette étude qui ne pouvait lui être suffisamment utile. Il avait une sincère sympathie pour mon pays et croyait au rétablissement d’une Pologne libre dans l’avenir.

Dans notre vie commune, il m’a été donné de le connaître comme il le souhaitait et de pénétrer sa pensée chaque jour davantage. Il était autant et plus que tout ce que j’ai pu rêver au moment de notre union. Constamment grandissait mon admiration pour ses qualités exceptionnelles, d’un niveau si rare et si élevé, qu’il m’apparaissait parfois comme un être presque unique, par son détachement de toute vanité et de ces petitesses qu’on découvre chez soi-même et chez les autres, et que l’on juge avec indulgence, non sans aspirer à un idéal plus parfait.

C’était là, sans doute, le secret du charme infini qui se dégageait de lui et auquel on ne pouvait guère rester insensible. Sa figure pensive et la clarté de son regard exerçaient un grand attrait. Cette impression s’augmentait ensuite en raison de sa bienveillance et de la douceur de son caractère. Il lui arrivait de