Page:Curwood - Kazan, trad. Gruyer et Postif.djvu/71

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qui se prit à rire et toussa plus fort, afin de prouver que le coffre était encore bon.

— Je suis en voie de guérison, dit-il, tu le vois bien. C’est un rhume qui s’en va. Mais tout rhume, ma chère laisse après lui, tu le sais comme moi, une grande faiblesse et les yeux rouges.

La journée qui suivit fut froide et morne, presque sans clarté. Pierre et Kazan remorquèrent à eux deux le traîneau, et Jeanne, à pied, marchait derrière, sur la piste tracée. Kazan tirait sans trêve, de toutes ses forces, et pas une fois l’homme ne le frappa du fouet. Mais, de temps à autre, il lui passait amicalement sa mitaine sur la tête et sur le dos. Le temps s’assombrissait de plus en plus et sur la cime des arbres on entendait passer un faible mugissement, qui annonçait la tempête prochaine.

Les ténèbres et l’approche imminente de la tourmente n’incitèrent point Pierre Radisson à s’arrêter et à camper.

— Il faut à tout prix, se disait-il à lui-même, atteindre le fleuve, oui, à tout prix…

Il pressa Kazan, pour un énergique effort, tandis que lui-même sentait, sous le harnais, ses forces décroître. Le "blizzard"[1]avait commencé, lorsque, à midi, Pierre fit halte pour établir un feu et que chacun s’y réchauffât.

La neige déboulait du ciel en un déluge blanc, si épaisse qu’elle obstruait la vue à cinquante pas. Jeanne se tassa, toute frissonnante, près de son père, avec l’enfant dans ses bras. Pierre, afin de la réconforter, se montra très gai et rieur. Puis, après un repos d’une heure, il rattacha Kazan au harnais et reprit comme lui les courroies qu’il lia autour de sa

  1. Tempête de neige.