Page:Curwood - Le Piège d’or, trad. Postif et Gruyer, 1930.djvu/18

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Vers l’Ouest, c’était au contraire le morne Barren, mort et sans limites, qui n’a rien, pas un rocher, pas un buisson. Durant la journée, un ciel bas et épais, un ciel de granit gris, avec des traînées de pourpre, le surplombait, pareil à celui que Gustave Doré a peint sur son Inferno[1], en un tableau célèbre que Pierre Bréault se souvenait d’avoir vu un jour. Et toujours il semblait que ce ciel allait s’écrouler en effrayantes avalanches. Durant la nuit, lorsque gémissait le vent et que glapissaient les renards blancs, c’était plus sinistre encore.

« Aussi vrai que j’espère le paradis, je vous jure, m’sieu[2], que je l’ai vu vivant… » répétait Pierre, accoudé sur la table.

Philip Brant, qui appartenait à la patrouille détachée au Fort Churchill par la police montée du Royal North-West, cessa de sourire d’un air de doute. Il savait que Pierre Bréault était un homme brave, sans quoi il n’eût pas été, tout seul, planter sa hutte au cœur du Barren, pour chasser le renard blanc. Il savait encore que Pierre n’était pas superstitieux, comme la plupart des gens de son métier ; car les cris et les sanglots qui, dans la nuit, traversent la bataille

  1. L’Enfer de Dante. (Note des traducteurs.)
  2. En français dans le texte (Idem.)