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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/142

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vateur sincère ne verra chez eux que des Grecs du Bas-Empire formés à la stratégie moderne par les Prussiens du xviiie siècle et par les Français du xixe siècle.

La popularité d’un autocrate me paraît aussi suspecte en Russie que l’est à mes yeux la bonne foi des hommes qui prêchent en France la démocratie absolue au nom de la liberté : sophismes sanglants !… Détruire la liberté en prêchant le libéralisme, c’est assassiner, car la société vit de vérité ; faire de la tyrannie patriarcale, c’est encore assassiner !…

J’ai une idée fixe : c’est qu’on peut et qu’on doit régner sur les hommes sans les tromper. Si dans la vie privée le mensonge est une bassesse, dans la vie publique c’est un crime, et un jour ce crime deviendra une maladresse. Tout gouvernement qui ment est un conspirateur plus dangereux que le meurtrier qu’il fait décapiter légalement ; et, malgré l’exemple de certains grands esprits gâtés par un siècle de beaux esprits, le crime, c’est-à-dire le mensonge, est la plus énorme des fautes : en renonçant à la vérité, le génie abdique ; et, par un renversement étrange, alors c’est le maître qui s’humilie devant l’esclave, car l’homme qui trompe est au-dessous de l’homme trompé. Ceci s’applique au gouvernement, à la littérature, comme à la religion.

Mon idée sur la possibilité de faire servir la sincérité chrétienne à la politique n’est pas si creuse