Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/35

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Depuis que les hommes observent avec précision et font des expériences suivies, c'est-à dire depuis à peu près deux siècles, ils devraient avoir renoncé, ce semble, à la manie de chercher à deviner, au lieu d’observer, car, d'abord, et comme l'a dit un écrivain philosophe, on devrait se lasser, à la longue, de deviner toujours maladroitement ; et ensuite, c'est qu'on devrait avoir fini par reconnaître que ce qu'on imagine est toujours bien au-dessous de ce qui existe, et qu'en un mot, et à ne considérer même que le côté brillant de nos théories, le merveilleux de l'imagination est toujours bien loin d'approcher du merveilleux de la nature.

Le débit de M. Cuvier était, en général, grave, et même un peu lent, surtout vers le début de ses leçons ; mais bientôt ce débit s'animait par le mouvement des pensées ; et alors ce mouvement, qui se communiquait des pensées aux expressions, sa voix pénétrante, l'inspiration de son génie, peinte dans ses yeux et sur son visage, tout cet ensemble opérait sur son auditoire l'impression la plus vive et la plus profonde. On se sentait élevé, moins encore par ces idées grandes, inattendues, qui brillaient partout, que par une certaine force de concevoir et de penser, que cette parole puissante semblait tour à tour éveiller ou faire pénétrer dans les esprits.

Il a porté dans la carrière du professorat le même caractère d'invention que dans la carrière des recherches et des découvertes. Après avoir créé l'enseignement de l’anatomie comparée au Jardin des Plantes, il a fait, au Collège de France, d'une simple chaire d'histoire naturelle, une véritable chaire de la philosophie des sciences : deux créations qui peignent son génie, et qui, aux yeux de la postérité, doivent honorer notre siècle.

M. Cuvier a laissé des mémoires sur sa vie, destinés, comme il l'a écrit lui-même, à celui qui aurait à prononcer son Éloge devant cette Académie.

Ce soin qu'il a pris pour vous, Messieurs, me fait un devoir d'ajouter ici quelques détails empruntés à ces mémoires.

« J'ai tant fait d'Éloges historiques, dit-il en commençant, qu'il n'y a rien de présomptueux à croire qu'on fera le mien,