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APOLOGIE

destiné à un prélat, commandeur de l’ordre du Saint-Esprit, pair de France, et sorti d’une des plus grandes maisons du royaume. Notre réponse sera courte et modeste.

L’opinion publique, à notre grand regret, traite avec si peu de faveur l’évéque de Noyon, qu’il a malheureusement beaucoup plus besoin d’une apologie que d’un éloge. Mais cette apologie nous parait être, pour l’historien de l’Académie, un devoir de bienséance et de justice, qu’il doit se presser de rendre aux mânes de son confrère ; surtout s’il doit en résulter, comme il s’en flatte, plus d’un trait honorable à celui qu’il ne voulait que défendre. Peut-être l’évéque de Noyon sera-t-il plus loué que le public ne s’y attend, par les détails même qu’entraînera sa justification.

Ce prélat (il faut l’avouer sans détour) est presque uniquement connu par la haute idée qu’on l’accuse d’avoir eue de sa noblesse, dont personne ne lui contestait l’éclat, et de son mérite, qu’il croyait, dit-on, égal à sa noblesse ; on a conservé dans ces recueils à’anecdotes, qui ne sont que trop souvent, comme l’a dit Voltaire, des recueils de mensonges imprimés, les prétendus monumens de son intrépide jactance ; monumens que nous apprécierons dans lasuitedecet article, mais qui semblent avoir jeté un ridicule sur sa mémoire : on disait de lui qu’il était jaloux de l’ancienneté et de la grandeur de sa maison, non-seulement dans ce monde, mais dans l’autre, parce qu’il avait fait composer sous ses yeux et donricr au public l’histoire de tous les Saints de ta maison de Clermont-Tonnerre^, dont la plupart cependant sont moins référés dans l’Eglise, que beaucoup d’autres qui n avaient point de père gentilhomme. Mais des âmes plus pieuses que malignes ne verront dans cet ouvrage que l’édifiante émulation du prélat, pour mériter un jour, à l’exemple de ses religieux ancêtres, les honneurs de la canonisation. Une ambition si louable répond suffisamment à l’espèce d’épitaphe satirique que les détracteurs de l’évéque de Noyon n’ont pas rougi de lui faire. On racontait dans cette épitaphe, ou plutôt dans cette épigramme funèbre, que le prélat s’étant présenté après sa mort à la porte du Paradis, et ayant jeté les yeux sur la compagnie qu’il renfermait, s’était retiré avec dédain, yj^rce quil 71 j vojait que du peuple (i). Nous pouvons aussi rapporter •sans conséquence cet autre sarcasme moins indécent, mais non moins déplacé, que s’il avait pu honnêtement changer son nom de baptême, il eût abjuré celui de François, pour se choisir un patron plus noble que l’instituteur des ordres mendians. Il s’é ^ Cet ouvrage, fait par le pitji.îcut Cousin, tut imprime à Paris en 1698.