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ÉLOGE DE DU CAMBOUT.

mort du cardinal de Richelieu, voulut que son petit-fils, le

marquis de Coislin, qui était aussi petit-neveu du cardinal , fût membre de la société littéraire qui devait tant à ces deux mi- nistres. Le nouvel académicien était digne de cette place par son amour pour les lettres, et par la considération qu'il témoignait à ceux qui les cultivent. Il se dérobait avec joie à ses autres occupations, pour pouvoir se trouver avec eux : Je n'oublierai rien, dit-il dans son discours de réception, pour faire en sorte qu'au défaut de mes paroles, mes actions soient pour vous autant de remercîmens; et je suivrai l'exemple de ceux qui, par une juste reconnaissance, couronnaient les fontaines dans lesquelles ils avaient puisé. Il a transmis ces sentimens à son illustre maison, comme une partie précieuse de son héritage. Aussi a-t-il été successivement remplacé dans l'Académie par deux de ses enfans, Pierre du Cambout, duc de Coislin, et Henri- Charles du Cambout, évêque de Metz, qui l'un et l'autre se sont montrés dignes de succéder parmi nous à leur respectable père. La compagnie est trop éclairée sur ses véritables intérêts, pour ne pas sentir combien il serait dangereux que les places qu'elle accorde devinssent une espèce de survivance ou d'héri- tage; elle a cru néanmoins pouvoir sans conséquence déroger en quelques occasions à une si sage maxime; et l'exception qu'elle a faite pour MM. de Coislin, doit être regardée par eux comme un titre honorable de noblesse académique. Mais, en général, les sociétés littéraires, qui ne doivent ouvrir leurs portes qu'aux talens, et aux talens les plus dignes, ne sauraient être trop réservées sur ces sortes d'exceptions, dont la fréquence entraînerait infailliblement la décadence de ces compagnies: elles ont besoin de motifs puissans , et surtout approuvés par la voix publique, pour donner aux enfans les places des pères; et tous ceux qui composent les académies devraient penser sur ce point comme l'un d'entre eux, qu'un confrère sollicitait vive- ment pour son fils: cette sollicitation ne l'empêcha pas de donner son suffrage à un candidat dont les titres lui paraissaient mieux fondés: J'ai cru, dit-il , devoir la préférence à celui qui a pour père ses propres ouvrages. inaccessibles à ce moyen de corruption. « Un pauvre abbé , disait le pape » Benoît XIV, m'ayant demandé, lorsque j'étais jeune, s'il y avait un grand » mal de prendre des livres doubles chez des riches qui ne lisaient jamais, je » n'eus pas le courage de décider la chose en bon casuiste, tant j'avais alors » de passion pour les livres. »