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vraisemblablement, ne réussirait pas moins au théâtre que l’Écossaise, si elle était d’un genre qui pût en faire tolérer la représentation.


(3) Quelqu’un a remarqué, avec raison, qu’au lieu du mot de public, tant prodigué à tort et à travers dans les conversations et dans les écrits, on ferait souvent très-bien d’employer celui de vulgaire, que la langue française nous fournit si heureusement pour exprimer cette multitude, qui a tant de langues et si peu de têtes, tant d’oreilles et si peu d’yeux.


ÉLOGE DE VAURÉAL[1]


De La Condamine, successeur de l’évêque de Rennes, dans l’Académie, a fait, dans son discours de réception, un éloge historique de ce prélat, à peu près semblable à ceux qu’on prononce dans la plupart des autres sociétés littéraires ; nous ne ferons presque ici qu’abréger cet éloge. Il serait peut-être à souhaiter que tous nos récipiendaires en eussent usé de même à l’égard de leurs prédécesseurs ; l’histoire des académiciens se trouverait toute faite dans les discours de réception, et ce genre d’utilité dans nos discours vaudrait bien ces éloges d’étiquette si souvent répétés.

L’abbé de Vauréal fut attaché dès sa jeunesse, en qualité de grand-vicaire, à l’évêque de Meaux, non pas Jacques Bénigne Bossuet, mais Henri de Thiard, cardinal de Bissy, qui, par son zèle ardent pour faire accepter la Bulle Unigenitus par le clergé de France, donna lieu aux jansénistes, ses ennemis, de publier qu’il n’était dans cette affaire que l’agent du jésuite Le Tellier. On ne doit pourtant pas douter que le zèle de ce prélat ne fût pur et sincère, puisqu’il crut pouvoir calmer les scrupules de Louis XIV mourant, en se chargeant de répondre à Dieu, pour le monarque, de la persécution exercée contre les ennemis de la bulle.

L’abbé de Vauréal, bien moins par déférence que par principes, était aussi persuadé que le cardinal de Bissy, de la nécessité de se soumettre à cette décision du saint-siége ; il pensait à l’exemple de l’évêque de Luçon, Bussy Rabutin[2], que ceux

  1. Louis-Gui de Guerapin de Vauréal, évêque de Rennes, grand d’Espagne de la première classe, né en 1687 ; reçu le 25 septembre 1749, à la place d’Armand Gaston, cardinal de Rohan ; mort le 19 juin 1760.
  2. Voyez l’article de l’évêque de Luçon.