Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, IV.djvu/190

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entrer ou sortir avec force ; ainsi l’on pourrait aussi traduire, étouffant avec opiniâtreté tous les sentimens (ou tous les momemens ) qui auraient pu lui échapper.

(61). Ensuite il fait son repas ordinaire : solita curando corpori exequitur. Quelques traducteurs donnent le même sens que nous aux mots curando corpori ; d’autres l’entendent, sans s’expliquer davantage, des pratiques journalières de Pison pour entretenir sa santé, c’est à dire apparemment, des bains, frictions des membres, remèdes de précaution, etc. On peut choisir entre ces deux sens, ce qui est assez indifférent ici.

(62). Plût aux dieux que la vieillesse du père eût écouté la jeunesse du fis ! Utinam ego potiùs filio juveni, quam ille patri seni cessisset ! On pourrait aussi traduire presque aussi brièvement, et plus littéralement : Que n’ai-je cru la jeunesse d’un fis, plutôt que lui la vieillesse d’un père !

(63). De réprimer la fougue de son éloquence : ne facundiam violentiâ præcipitaret. Plusieurs traducteurs entendent ainsi ce passage. D’autres croient que Tibère avertissait Fulcinius de ne pas se perdre par une éloquence trop emportée. Mais le mot præcipitaret, qui se rapporte à facundiam, c’est-à-dire, à l’éloquence, et non pas à la personne de l’orateur, me paraît décider pour le premier sens. On pourrait même entendre ici par le mot præcipitaret, la perte, la destruction de l’éloquence par l’excès de l’emportement, et traduire en conséquence de cette sorte : Tibère promit à Fulcinius son suffrage pour les charges, en l’avertissant de ne pas perdre, à force d’emportement, son talent pour la parole, ou plus brièvement, sans altérer le sens de la phrase, en l’avertissant que la fougue était la perte de l’éloquence.

(64). Et la postérité croit être instruite : et gliscit utrumque posteritate. Le sens littéral est que les faits controuvés ou altérés (utrumque) prennent également faveur dans la postérité. La phrase que j’y ai substituée me paraît renfermer le même sens, et l’exprimer d’une manière plus concise et plus énergique.

(65). Qui l’appelaient Dieu : le mot Dominum, qui est dans le latin, signifie à la lettre Maître ; mais cette expression, eu égard à l’idée précise qu’on y attache dans notre langue, m’a paru trop faible en cet endroit, surtout par rapport à ce qui précède : qui divinas occupationes, ipsumque Dominum dixerant : qui appelaient ses occupations divines, et qui lui donnaient à lui-même le nom de Dieu. Dominus, en cet endroit, doit se prendre, ce me semble, pour le Souverain Maître de toutes choses. Le sens que nous donnons ici à ce mot, peut être appuyé par le vers suivant de Martial, où il appelle avec tant de bassesse un édit infâme de Domitien, Edictum domini Deique nostri, l’édit de notre maître et de notre Dieu. Il est clair que le mot maître ne désigne