Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, IV.djvu/204

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le sens du mot copia, assez difficile à démêler, nous croyons devoir nous en tenir au mot cura, et y donner le sens que nous avons adopté. Ne pourrait-on pas traduire, pour conserver à la fois tous les sens dont le mot cura est ici susceptible ; depuis long-temps Néron brillait de montrer son adresse à conduire un char ?

(121). Plusieurs, malgré la tristesse de leurs discours et de leurs visages, aimaient à se montrer au milieu des plaisirs de la cour ; nec deerant, qui voce vultuque tristi inter oblectamenta regia spectari cuperent. On pourrait donner à ce passage un sens tout différent, et même opposé. Plusieurs d’entre eux désiraient qu’au milieu des plaisirs du prince, on remarquât la tristesse de leurs visages et de leurs discours. J’ai consulté sur ce double sens plusieurs gens de lettres, et les avis ont été partagés ; peut-être le premier sens est-il plus fin, et le second plus noble ; tous deux sont dignes de Tacite, ce qui rend le choix plus difficile. Le mot cuperent m’a fait pencher pour le premier sens ; mais je ne donne pas cette raison pour démonstrative ; car peut-être les mots voce tristi indiquent-ils l’autre sens.

(122). Je suis bien ; ego me bene habeo. J’ai cru devoir conserver dans la traduction la petite équivoque que les mots latins me semblent renfermer ; Burrhus ne voulant pas dire en effet qu’il se portait bien, mais qu’il se trouvait heureux de mourir, et d’être délivré d’un monstre. Les mots hactenus respondisse me paraissent signifier ici que la réponse de Burrhus ne s’étendit point au-delà de ce peu de mots, suivant le vrai sens du mot hactenus dont il a déjà été question dans une note précédente. D’autres rapportent hactenus au discours de Burrhus, comme s’il y avait hactenus ego me bene habeo, c’est-à-dire, je me porte bien maintenant que je ne te vois plus ; car Tacite vient de dire que Burrhus détourna les yeux pour ne point voir Néron. J’adopterais volontiers ce sens, qui est très-fin, et par là très-digne de Tacite, 1°. s’il me paraissait naturel de couper dans le texte la phrase supposée hactenus ego me bene habeo par le mot respondisse à l’infinitif ; 2°. si la signification de maintenant, donnée au mot hactenus, ne me paraissait pas un peu forcée, hactenus ne signifiant proprement que jusque-là.

(123). Ils furent ce que leurs mœurs annonçaient ; acque illi pro cognitis moribus fuere. Je crois que ce mot général fuere, surtout joint à la phrase qui suit, renferme à la fois deux idées, ce que Fenius Rufus et Tigellinus furent dans leur conduite, et ce qu’ils furent dans l’opinion du tyran et dans celle des citoyens. Je n’avais rendu, dans les éditions précédentes, que la seconde idée, en traduisant : ils obtinrent ce que leurs mœurs méritaient. Ici j’ai pris un tour qui exprime à la fois les deux choses. En général (et cette remarque s’applique à la manière dont j’ai rendu plusieurs autres endroits), je pense que Tacite étant un écrivain qui fait penser beaucoup, parce qu’il renferme beau-