Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, IV.djvu/213

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latin dit, neu pericula sua miscere cum sorte damnati, c’est-à-dire littéralement, de ne point s’exposer à partager son sort ; mais il me semble que le mot miscere enferme l’idée que j’ai tâché d’exprimer, et qu’elle indique la douleur qu’aurait eue Thrasea de voir ses amis partager son sort.

(155). Des sept cent vingt premières années de Rome. Plusieurs éditeurs lisent octingentos et viginti, huit cent vingt, et en apportent de très-fortes raisons ; mais, d’un autre côté, il me paraît que dans le temps qui s’écoula entre Romulus et Galba (et qui est en effet de 820 ans, à très-peu près), Tacite distingue ici l’espace de 720 ans (ou environ) qui précéda la bataille d’Actium, et où l’on écrivait avec liberté, d’avec le temps qui s’écoula depuis cette bataille jusqu’à Galba, et pendant lequel la vérité fut altérée par les historiens.

(156). D’illustres malheureux supportant et quittant la vie avec un égal courage. Il me semble que le mot supremœ nécessitates signifie ici les malheurs de la vie, et que le mot ipsa nécessitas signifie la mort. Tacite, dans un autre endroit, l’appelle necessitas ultima ; et ailleurs, il se sert des mots uti necessitate, pour dire subir la mort.

(157). Je méritais que la république recommençât à moi. J’ai traduit presque littéralement le latin dignus eram à quo republica inciperet ; ce tour me paraît plus énergique et plus noble que si j’avais simplement traduit, je méritais de faire renaître la république : à quo, dans cette phrase, peut, à la vérité, signifier à peu près également par moi et à moi ; mais à moi renferme, ce me semble, un sens plus républicain, plus digne d’un empereur vraiment romain et patriote.

(158). Et plus heureux sujet que souverain. Cette traduction est de feu M. Rousseau ; je l’ai adoptée, comme étant d’un tour plus vif et plus serré que la traduction littérale dont je m’étais contenté dans les précédentes éditions : et plus heureux sous le règne d’autrui que pendant le sien ; et alieno imperio felicior quam suo.

(159). Supportant sans peine. C’est ainsi que je traduis les mots sine reprehensione patiens, entendant par l’expression sine reprehensione , que Galba ne reprochait pas à ses amis leurs vertus ; ce qui me paraît plus naturel que de rapporter, avec d’autres traducteurs, ces mots à Galba, et d’entendre qu’il ne méritait point de reproche en supportant ses amis et ses affranchis, lorsqu’ ils étaient vertueux.

J’ai fait plusieurs retranchemens dans ce discours d’Othon, ainsi que dans un autre qui précède ; ce n’est pas qu’ils ne soient très-beaux tous deux d’un bout à l’autre, mais ne traduisant que des fragmens de Tacite, j’ai cru pouvoir me permettre de laisser même des lacunes dans les fragmens que je traduis, et de n’en conserver que les traits qui me paraissent les plus remarquables : c’est pour cette raison que