Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, IV.djvu/216

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perde pas. Cette observation peut s’appliquer à tous les endroits où je me suis écarté, sans nécessité absolue, de la traduction littérale,

(167). Il puisa surtout l’esprit de liberté dans les mœurs de son beau-père. Cette phrase, qui traduit assez exactement la phrase latine è moribus soceri nihil æque ac libertatem hausit, ne paraîtra peut-être pas assez conforme au génie, ou, si l’on veut, à la timidité de la langue française, par l’expression peu usitée, puiser dans les mœurs. Aimerait-on mieux cette traduction, moins hasardée, mais plus faible : Les mœurs de son beau-père lui inspirèrent surtout l’esprit de liberté ; ou celle-ci : il prit surtout de son beau-père l’esprit de liberté ; ou, si l’on veut, l’exemple de son beau-père lui apprit surtout à être libre ?

(168). Les exemples subsistent plus long-temps que les mœurs. C’est la traduction littérale du latin, diutius durant exempla quam mores ; mais le sens ne m’en paraît pas facile à saisir. Tacite veut dire, je crois, que les exemples de sévérité faits sur les méchans, durant le règne d’un prince vertueux et juste, continuent d’avoir leur effet, même sous un successeur vicieux. C’est pour cette raison, et pour éclaircir la pensée de l’auteur, que j’avais traduit dans les éditions précédentes, par une espèce de paraphrase : Les exemples de sévérité ont plus d’effet que les mœurs du prince ; mais, tout considéré, j’ai cru devoir rendre littéralement le texte de Tacite, auquel on attachera tel sens qu’on voudra. Peut-être même n’est-ce pas sans dessein que Tacite s’est exprimé ici d’une manière susceptible de différens sens ; peut-être voulait-il les renfermer tous dans cette même phrase ; et tous en effet peuvent être relatifs, soit à ce qui précède, soit à ce qui suit. 1°. L’exemple qu’on fait des méchans, sous un bon ou sous un méchant prince, conserve son effet, même après lui. 2°. L’exemple donné par un bon prince subsiste inutilement dans la mémoire des hommes, quand son successeur ne lui ressemble pas. 3°. L’exemple que donne, par ses mœurs, un méchant prince, lui survit, et peut enhardir ses successeurs à l’imiter. Si notre conjecture, sur le dessein de Tacite, n’est pas sans fondement, elle justifie ce qu’il peut y avoir de vague et d’indécis dans notre traduction.

(169). Le meilleur jour, après la tyrannie, c’est le premier. Le texte porte à la lettre : après un méchant prince, le meilleur jour est le premier ; et cette traduction littérale, qui se trouve dans les éditions précédentes, est aussi très-bonne ; mais l’autre m’a paru avoir quelque chose d’un peu plus vif ; c’est pour cela que je l’ai préférée.

(170). Lorsqu’ils peuvent le moins se tromper. Il y a dans le texte : lorsqu’ils ne peuvent se tromper ; dum errare non possunt. Cela ne m’a pas paru tout-à-fait juste, et j’ai cru pouvoir prendre la liberté de rectifier légèrement cette pensée.

(171). De gémir dans un champ ou dans une maison sous le poids