Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, IV.djvu/329

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été juste ; ils mériteront qu’elle le soit de nouveau à leur égard, mais avec plus de satisfaction pour eux et pour elle ; et pleins de cette louable confiance qu’inspire le sentiment de ses forces, ils imiteront un grand prince de nos jours, qui, après avoir perdu une bataille, écrivait, nous ferons mieux une autre fois, et a tenu parole. A l’égard de ceux qui paraissent destinés à combattre toujours et à ne vaincre jamais, l’Académie s’attend à leurs plaintes, sans espoir de les faire cesser. Cette classe de versificateurs est pour elle une pépinière assurée d’ennemis, que le concours au prix de poésie lui entretient constamment, et qu’elle voit tranquillement se perpétuer. Elle ne leur enviera point la triste consolation à laquelle plusieurs ont recours, celle de faire louer leurs ouvrages dans quelque magasin périodique d’éloges et de satires également estimables. Ils ne devraient pourtant pas ignorer que la voix publique, plus forte que tous les bourdonnemens de la médiocrité ou de l’envie, sait apprécier et les ouvrages et les prôneurs, et les Zoïles ; que tel auteur, plus célébré dans vingt journaux que celui de la Henriade, appelle en vain la Renommée ; tandis que tel autre, en butte à un retour réglé d’injures, y répond par des succès réitérés ; en un mot, que tout écrivain se fait à lui-même sa place, sans qu’il soit au pouvoir de tout autre que de lui seul de le faire monter ou descendre.

DISCOURS
Lu à l’Académie, le 25 août 1772, à l’ouverture de la séance.

Messieurs, les prix que l’Académie propose tous les ans, sont un des objets qui l’intéressent le plus. Ils excitent l’émulation des jeunes littérateurs ; ils ont commencé la réputation de plusieurs d’entre eux, et leur ont fait sentir les premiers aiguillons de la gloire, de cet appât si nécessaire au génie, et trop souvent son unique récompense. Ils ont même ouvert aux plus distingués des vainqueurs les portes de l’Académie, et ont été pour eux, si je puis parler ainsi, une espèce d’ovation qui les a menés aux honneurs du triomphe. Enfin, messieurs, ce qui est plus touchant encore pour cette compagnie, les prix qu’elle distribue ont servi plus d’une fois à consoler et à ranimer les talens, opprimés par l’intrigue et déchirés par la satire. Les cou-