Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, IV.djvu/547

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

causes qu’il a gagnées, parce que ses cliens étaient coupables ; osons ajouter que plusieurs endroits de ses harangues qui plaisaient peut-être avec raison aux Romains, et que nos latinistes modernes admirent sans savoir pourquoi, ne seraient que médiocrement goûtés.

ÉLOGE[1].

Les réflexions qui ont été faites sur les éloges qu’on peut donner dans les dictionnaires historiques, s’appliquent à quelque éloge que ce puisse être. Bien pénétrés de l’importance de cette vérité, les éditeurs de l’Encyclopédie après avoir déclaré qu’ils ne prétendaient point adopter tous les éloges qui pourraient y avoir été donnés par leurs collègues, soit à des gens de lettres, soit à d’autres, comme ils ne prétendaient pas non plus adopter les critiques, ni en général les opinions avancées ou soutenues ailleurs que dans leurs propres articles, puisque tout est libre dans cet ouvrage, excepté la satire, et que par cette raison chacun devant y répondre au public de ce qu’il avançait, de ce qu’il blâmait et de ce qu’il louait, ils s’étaient fait la loi de nommer leurs collègues sans aucun éloge. La reconnaissance, ajoutent-ils, est sans doute un sentiment qui leur est dû, mais c’est au public à apprécier leur travail.

Qu’il nous soit donc permis de déplorer l’abus intolérable de panégyriques et de satires qui avilit la république des lettres. Quels ouvrages que ceux dont plusieurs de nos écrivains périodiques ne rougissent pas de faire l’éloge ! quelle ineptie, ou quelle bassesse ! que la postérité serait surprise de voir les Voltaire et les Montesquieu déchirés dans la même page où l’écrivain le plus médiocre est célébré ! Mais heureusement la postérité ignorera ces louanges et ces invectives éphémères ; et il semble que leurs auteurs l’aient prévu, tant ils ont eu peu de respect pour elle. Il est vrai qu’un écrivain satirique, après avoir outragé les hommes célèbres pendant leur vie, croit réparer ses insultes par les éloges qu’il leur donne après leur mort ; il ne s’aperçoit pas que ses éloges sont un nouvel outrage qu’il fait : un mérite, et une nouvelle manière de se déshonorer soi-même.

ÉLOGES ACADÉMIQUES.

Ce sont ceux qu’on prononce dans les Académies et Sociétés littéraires, à l’honneur des membres qu’elles ont perdus. Il y en a de deux sortes, d’oratoires et d’historiques. Ceux qu’on prononce dans l’Académie Française sont de la première espèce.

  1. Voyez tome III, Réflexions sur les éloges académiques.