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LE ROI

— Mords ! lui commanda le Gascon.

Un enfer de flamme, aussitôt, surgit des champs à la ville, s’élança de la ville au ciel. Le long des remparts, les habitants s’affûtaient pour tirer en bas, fort et raide. « Courage ! faites feu du poing ! clamait le roi, les longs sièges ne valent rien ! » Les quatre canons royaux, comme des cloches, grondaient depuis deux heures, et une brèche, déjà, de huit pas de long, s’ouvrait au pied des murailles, lorsque tout à coup, sur un geste violent du roi, muets, une fumée sinistre à la gueule, les canons retinrent leurs râles, les mousquets tombèrent, une angoisse arrêta les troupes, les pétrifia dans les champs, net ; puis un grand silence de peur monta de l’armée royale, et quatre mille mains suppliantes, dans un cri, se tendirent vers les assiégés ! Stupéfaits, ils cessèrent le feu.


À l’une des fenêtres grillées de la haute tour, sur l’appui de la deuxième, amusé par le tapage et ses petits pieds nus pendants sur l’abîme, un enfant de deux à trois ans se tenait assis, face aux canons, une pomme dans sa main rose, et contemplait ingénument les soldats. La ville, penchée au sommet des murs, regardait l’armée sans comprendre. Un bras parut enfin, retira l’enfant.


— Revenons aux canons ! ordonna le roi en soupirant.

Rosny se remit aux pièces, et les vieux routiers de Navarre saisirent les boulets… mais un bruit. insolite, soudain, les arrêta court.


C’était, là-haut, là-bas, le roulement de la capitulation, la chamade.