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LE ROI

pagnie du Picard traversait l’armée derrière son « silencieux » capitaine. Le coffre de bois, lié en selle, orné de la longue écharpe et du feutre, était à son rang de bataille, en avant ; et l’arquebuse prête, coiffés du pot, réguliers comme un jeu de cartes, l’enseigne, la troupe, les sergents, le fifre et le tambourin s’en allaient en si martiale ordonnance qu’on n’eût jamais dit qu’ils suivaient un mort. Le roi fut stupéfait.

Mais presque aussitôt son cœur enfla, il comprit. Devant les troupes arrêtées, rapide, il enleva son écharpe blanche, la jeta sur le cercueil et clama : « Je nomme votre capitaine mestre de camp. Holà, qu’on se rallie ! Arquebusiers de Navarre, faites un régiment à ce nouveau colonel ! ils ne sont que cent, nous en faut cinq cents ! » Une cinglée de tempête creva le brouillard, et on vit Mayenne s’approcher en ordre de bataille. « Allons-y par le plus droit ! cria le Gascon, les morts eux-mêmes sortent de la tombe pour nous conduire. Cinq cents hommes ! » Une poussée de foule s’écrasa vers lui, et les blessés se décollèrent, tandis que le roi sauvage, les entraînant tous au combat, rugissait par le camp d’une voix terrible : « En colonne ! La cavalerie sur la gauche ! Et vous, les Suisses, mettez-vous arrière ! Capitaines, lieutenants, enseignes, ordonnez l’attaque, nous allons charger la Maladrerie ; il ne suffit pas d’avoir nombreux hommes, il en faut surtout du bon cru ! » Bondissant de fièvre enthousiaste, recrutant chacun au collet et