Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
LE ROI

Il l’avait déjà presque entier. Son droit et son glaive étaient établis dans les huit provinces contiguës du Nord et du Centre : l’Ile de France, la Picardie, la Champagne, la Normandie, l’Orléanais, la Touraine, le Maine et l’Anjou. Il était reconnu enfin par les neuf dixièmes du clergé, cent évêques sur cent dix-huit, et comptait à sa discrétion les fidèles parlements de Reims, de Grenoble, de Toulouse et d’Aix. Venise lui apportait l’amitié du doge ; l’Angleterre, les Pays-Bas, l’Allemagne voulaient s’en faire un allié. Saisie d’une crainte admirative, l’Europe contemplait ce jeune soldat, ce roi-peuple « à l’aisselle surette et aux pieds fumants », champestre et campestre, aisé, solide, rude maître et gai garçon, qui ne désespérait de rien, s’exprimait avec des paroles qui semblaient cueillies à la terre, habitait son cheval six grands jours sur sept, mangeait des bouillies de gueux, se battait comme une recrue, vivait avec bonté, pensait avec génie, et agissait comme la mer, sans fatigue apparente, sans reculade, sans fin, toujours, en battant l’écueil flot á flot. — Il faillit s’arrêter tout net à Meulan.


L’armée ligueuse après avoir pris Pontoise était allée faire le siège de cette ville. Rosny qui commandait la place, craignant, vu le peu de troupes qu’il avait, d’être obligé de capituler, demanda du secours au roi qui accourut aussitôt. Mayenne, à la vue du Gascon en marche, ota son artillerie et la disposa derrière