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LE ROI

abjuration future. On le combat aussi de chercher les dames, et de n’acquérir de l’honneur que pour bien se faire aimer d’elles. Hé là ! messieurs, n’est-ce point qu’une armée de gens amoureux serait invincible, puisque tous y feraient mille beaux exploits pour intéresser leurs maîtresses, et Titus, le plus doux des princes, n’aimait-il pas éperdument Bérénice sans que jamais, toutefois, ses amours apportassent retardement à ses affaires ? (Le valet s’approcha d’une coupe, la saisit dans sa large main et sourit) Je vous devine : vous me reprochez en silence de parler un peu librement, n’étant que valeton fait pour obéir, non pour boire. (Il but) Mais chez le brave Gascon, il n’est seigneur ni laquais devant la tâche commune, et tous ceux de France doivent devant lui être égaux, comme il se fit d’abord leur égal. (Il essuya sa barbe et s’avança) M. Gillot, M. Chrétien, M. Passerat, M. Pithou, aidez-le donc à gagner Paris. L’homme est l’ennemi de l’homme, Paris se tue de ses propres armes, et sans vous le roi n’y peut rien. (Les quatre convives, pâles, s’étaient dressés) Debout ! Partez en guerre ! Hommes de la pensée, hommes de la parole, faites l’œuvre d’esprit comme il a fait l’œuvre d’épée ! (Les poings du valet luisaient aux lumières) Rien ne vaut en France qui ne soit compris, rien n’est sûr qui ne soit chanté, rien n’est durable qui ne soit prouvé. Travaillez de preuve et de chanson tandis qu’il travaille d’estoc, et qu’on apprenne à le connaître pour qu’il soit compris quand il arri-