Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
L’ENFANT

modaient parfois d’anciens contes. Ces histoires excitaient l’enfant à écouter. Les femmes, d’ailleurs, avaient la voix fraiche, pleine de mots drôles, vifs, saillants, qui peignaient : elles appelaient le derrière « l’arc Saint-Bernard », les cailloux « des miches de Saint-Étienne », le lâche « un bénitier de pleurs », et disaient des goutteux qu’ils avaient « le mal Saint-Genou ». Puis, des saints, elles passaient aux hommes, à la terre, avec l’enjouement tranquille de leur caste. Elles montraient au prince les fruits, les plantes, la culture, ce qui pénétrait le sillon, ce qui en sortait, les grâces d’en haut et la tâche humaine : « En petit champ croit bon blé », disait une voix. Suivaient une explication, un exemple. « Il ne change pas de pays celui qui voit toujours le soleil », « Faut un homme alerte pour semer l’orge, et un homme lent pour semer l’avoine », « N’est pas tout or qui reluit, ni farine ce qui blanchit ». Et ce qu’avaient dit et redit et tant de fois répété vingt générations travailleuses s’épurait à leurs lèvres calmes : « Petit homme abat grand chêne », « De bois noué court grandes vendanges », « Labour d’été vaut fumier », « Neige qui tombe engraisse la terre », « Le laboureur n’a rien, mais le monde a beaucoup de lois », « Fèves fleuries, temps de folies », « La faux paie les prés », « D’humble scintille s’enflambe une ville. »

— À la moindre lassitude du prince, ces femmes riaient soudain, se lançaient des fleurs et terminaient la séance par des contes de peau d’ânon. D’autres jours, elles parlaient à l’enfant des