Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/14

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Ainsi fut fait. Cela amusait beaucoup mon père de penser que le petit-fils du Maréchal avait épousé plus tard la petite-fille de M. Necker, et moi son arrière-petite-fille : « Le maréchal de Broglie et ton grand-père ne se seraient guère doutés alors, disait-il, que leurs familles et celle de M. Necker seraient, un jour, si étroitement alliées. »

Mon grand-père n’émigra point. Louis XVI, dont il avait pris directement les ordres et qui avait confiance dans son rare courage et son entier dévouement, lui avait fait promettre de ne pas le quitter. Il tint religieusement parole, et fut toujours du nombre des personnes qui, dans les moments de crise, se rendaient individuellement aux Tuileries pour défendre la famille royale. Il y était au 20 juin ; il s’y trouva encore au 10 août et, pendant cette terrible journée, il accompagna le Roi partout, et jusque dans la loge du Logographe. Quand la famille royale quitta l’Assemblée législative, et fut conduite au couvent des Feuillants, mon grand-père resta exposé à de grands dangers dont il se tira grâce à sa présence d’esprit. Il avait profité de l’obscurité qui régnait dans la loge du Logographe et dans les couloirs de la salle pour déchirer ses manchettes de dentelles et cacher son chapeau galonné et son épée sous les banquettes. Ainsi accoutré, il se faufila parmi les représentants et les personnes de toutes sortes qui évacuaient la salle et les tribunes. Le plus difficile était