Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/22

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étaient restées telles qu’elle les avait vues jadis. Je me souviens qu’un jour, sa petite-fille, madame la comtesse de Saint-Priest, se lamentant devant elle à Gurcy de ne pouvoir suivre une chasse à courre, parce qu’elle n’avait pas d’amazone : « Mais, ma toute belle, je dirai à ma femme de chambre de vous prêter la mienne. » — « Ah ! bonne maman, elle ne serait plus guère de mode. » — « Comment, ma toute belle, elle est fort élégante ; c’est M. de Lauzun qui me l’a commandée chez le premier tailleur de Londres. » Quand on la poussait de questions, et quand elle était assurée que ses petites-filles non mariées n’étaient pas au salon, elle débitait dans le style d’autrefois un fond d’historiettes réservées qui peignaient au naturel les mœurs très-libres du temps où elle avait vécu. Elle y mettait cette aisance particulière aux femmes âgées et qui ont été elles-mêmes parfaitement irréprochables.

J’arrive maintenant à mon père.

Mon père fut élevé chez ses parents par les soins d’un abbé qui portait le titre d’aumônier de la Louveterie. Cet ecclésiastique était un ami de la famille, doux, éclairé ; mon père conserva toujours pour lui beaucoup d’affection. L’éducation de ce qu’on appelait alors les fils de famille était fort superficielle. On les élevait tous près du monde et pour le monde ; on était pressé de les y produire. Mon père, quoique tenu plus sévèrement que les jeunes gens de son âge, fut de