Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/32

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venait dire de la part du général républicain qu’ayant eu ordre de la Convention de fusiller tous les prisonniers français, il préférait les renvoyer sans rançon. Au moment où arrivèrent les prisonniers, escortés par des hussards et des chasseurs, la nouvelle de la mission de M. d’Aumont s’était répandue dans le camp. De part et d’autre les cavaliers descendirent de cheval ; on se fit politesse, on regarda curieusement les armes et les uniformes les uns des autres. Cinq minutes ne s’étaient pas écoulées qu’on s’était attablé et qu’on trinquait ensemble en chantant ce refrain du temps : « Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ? » Quand M. d’Aumont repartit, plusieurs de ses gens ne répondirent pas l’appel ; ils s’étaient faufilés et cachés dans les tentes des émigrés. M. d’Aumont ne fit pas semblant de s’en apercevoir. En revanche, quelques hommes manquèrent le soir au camp des émigrés ; chacun était allé rejoindre le drapeau de ses vraies affections.

S’il n’y avait pas beaucoup d’élan parmi les soldats de l’armée des émigrés, au moins les officiers étaient-ils un peu au fait de leur métier. Il s’en fallait qu’il en fût de même des officiers de l’armée anglaise qui faisaient alors leurs premières armes sur le continent. Ils étaient, comme instruction, très-inférieurs aux officiers émigrés qui n’en savaient pas eux-mêmes beaucoup. L’issue de la campagne l’a fait