Page:D’Haussonville - Souvenirs et mélanges.djvu/35

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dans la Hollande, non pas un cheval mais cinquante chevaux tomber ainsi boiteux à la fois, mais ce n’était pas par accident, c’était bien ruse de guerre. » « Vous avez donc fait la guerre en Hollande ? en quelle année ? » — « Oui, monsieur le comte, en 93 et 94, et je me souviens parfaitement qu’une fois, marchant de nuit avec ma compagnie de fantassins et un détachement de cavalerie, pour tourner une position, nous fûmes bien étonnés de voir tous les chevaux se mettre à boiter à la fois. C’étaient des clous à trois pointes dont les chemins étaient semés. Bêtes et gens, nous en fûmes fort embarrassés. Après tout, nous n’en prîmes pas moins le moulin ! » — « Le moulin ! Quel moulin ? Comment l’appeliez-vous ? » — « Ah ! je n’en sais rien ; c’était un petit moulin hollandais, comme il y en a tant du côté de Berg-op-Zoom. C’étaient des hussards qui le défendaient, ils n’y sont pas restés longtemps, car nous étions en force ; mais ces diables de clous. » — « Ces clous, c’était moi qui les avais fait semer sur les chemins, s’écria mon père en riant ; ces hussards, c’était moi qui les commandais. Je m’étais arrangé pour passer ma nuit dans le moulin, car il faisait très-froid. » — « Ma foi, monsieur le comte, c’est moi qui y ai couché. » — « Alors vous avez dû y trouver une poule à la broche que je m’étais procurée à grand’peine et que j’étais en train de faire rôtir pour mon souper. » — « C’est, ma foi ! vrai ; mes hommes