Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/23

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pelet de Monsieur et Madame Beauchesne. Maurice ne peut dire son chapelet sans se rappeler son humiliation !

Il avait en parlant tiré de sa poche un petit chapelet noir.

— Sais-tu que depuis notre départ de la rue Charlevoix pour la rue de Bernières, je n’ai jamais revu nos voisins les Beauchesne, ni Estelle ni Louise ?

— Ils demeurent rue Bougainville. Estelle et Louise accompagnent parfois Monsieur Beauchesne chez papa. N’as-tu pas entendu dire qu’ils auraient loué la maison aux saules près du phare ?

— Je n’en sais rien.

Quel tintamarre sur les trottoirs crayonnés de rose et de bleu, quand elles arrivaient en patins à roulettes ! Maurice et Jacques passaient et repassaient à toute vitesse sur leurs bicyclettes aux accessoires flamboyants. Ils s’appuyaient au parapet pendant des heures, sous le ciel d’un bleu de lessive. Les cargos des grands lacs appareillaient dans le bassin Louise et, de leur cheminée jaune sale, poussaient tout droit une fumée noire et cotonneuse ; l’étrave pointée vers la sortie, les coques promises à l’aventure demandaient d’une voix enrouée le roulement du ponceau.

À quoi bon d’ailleurs ? Les retours sur le passé ne font que rendre plus amer le fiel que le présent distille.

Monique se levait :

— Jacques, je voulais te demander un service. Conduirais-tu Lucien à Québec, samedi matin ?

Jacques hésita, l’espace d’une seconde :

— Oui.