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LE VERGER

bouleau et dont les couleurs flambaient, leur indiqua la percée de la futaie. Ils franchirent une fougeraie, dont les frondes géantes leur glissaient sous l’aisselle et s’élancèrent à l’escalade. Une lumière blonde enrobait les troncs du merisier, scintillait aux frisures, et coulait sur les feuilles mortes en mares capricieuses. Jacques et Maurice, par un raidillon en corniche bordé de bleuets et de cornouillers, atteignaient au sommet de la montagne.

Aussi loin que le regard allait, une contrée sauvage que les poudreries de l’hiver trouvaient gelée jusqu’au plus profond de ses rocs, palpitait sous les effluves d’un soir d’été. Une verdure touffue, madrée de noir, berçait la grisaille perlée de ses crêtes et battait à pleins bords la côte bleuâtre de l’horizon ; un ressaut des tons sombres, des dépressions prolongées et blafardes comme le creux d’une lame, signalaient la présence des lacs épars dans cette immensité. On se sentait perdu. Et l’on voulait aller plus loin, vers les eaux que l’on devinait là-bas, là-bas. Jacques songeait à saint Roch le voyageur, qui a laissé sur une pierre de l’île, en plein champ, l’empreinte de son pied et de son bâton. La légende prenait ici un ton plus solennel. Aux dernières heures de la création, les anges avaient peut-être parcouru cette partie du domaine paternel et fait jaillir sous leurs brodequins d’azur le semis des ruisseaux et des lacs.

— On dirait que la forêt se recueille et chante des hymnes.

Maurice ne répondait pas. Des insectes tenaces foraient l’écorce argentée de la pruche qui ombrait