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LE VERGER

— Tu ne penses pas comme lui ? Tu as peur de l’aventure, Maurice…

— Je sais que nous sommes des médiocres. Nous sommes des bourgeois, de sales bourgeois, béats, médiocres dans leurs sentiments et dans leurs relations avec Dieu et avec les hommes. Nous sommes médiocres dans le péché…

— Et dans le repentir.

— Nous méritons la vie éternelle à force de ne rien faire.

Maurice a toujours aimé voir jusqu’où il peut aller. Il poursuit, le sourire amer :

— Heureusement, nous sommes des gens cultivés. Nous lisons, nous citons, nous récitons, nous ne vivons pas. Des gens de notre acabit feraient d’excellents professeurs.

Maurice, Maurice tu prends encore une fois le chemin de l’ironie. Où veux-tu que cela mène ? On te demande un peu d’amour et tu réponds par le sarcasme !

Un nid de loriots se brandille dans l’azur, et la plainte du merle interrompt le bruissement crépusculaire de la forêt, comme le choc mat des gouttes sur le feuillage mouillé de l’érable. Le silence de son ami oriente Maurice vers un sentier moins décevant :

— Et l’atmosphère que nous respirons, peux-tu l’assainir avec toute ta bonne volonté ? Peut-être avons-nous à figurer sur un palier inférieur ; notre pitance est matérielle… Mais tu me fais déraisonner…

— Pierre se serait trompé ?

— Peut-être.