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religion, ils ne peuvent que difficilement se recruter, et ont dû abandonner toute espèce d’études. Ceux qui se font bonzes aujourd’hui sont, pour la plupart, des gens sans aveu qui cherchent un refuge dans les pagodes, des individus qui n’ont pas pu se marier, des veufs sans enfants qui ne veulent pas ou ne peuvent pas vivre seuls, etc… Le peuple les méprise, les regarde comme des querelleurs, des charlatans, et des hypocrites ; néanmoins, par habitude, peut-être aussi par une certaine crainte superstitieuse, on leur fait assez facilement l’aumône.

On trouve aussi, comme dans tous les autres pays bouddhistes, des bonzesses vivant ensemble dans des monastères, non loin des pagodes où il leur est interdit de résider. De même que les bonzes, elles sont tenues à garder la continence pendant leur séjour dans les bonzeries, et il y a peine de mort contre celles qui auraient des enfants ; aussi, à ce qu’on assure, sont-elles très-versées dans l’art infâme des avortements. Leurs mœurs passent pour être abominables. Du reste, bonzes ou bonzesses sont parfaitement libres de quitter leurs couvents quand il leur plaît pour rentrer dans la vie commune, et c’est ce qui arrive tous les jours. On entre dans ces maisons parce qu’on ne sait que faire, et après un séjour plus ou moins long, si l’on s’ennuie, on les quitte pour aller chercher fortune ailleurs.

Tel est, en Corée, l’état actuel de la religion de Confucius et de celle de Fô. Ces deux doctrines, comme on l’a remarqué bien souvent, et selon nous avec beaucoup de justesse, ne sont, au fond, que deux formes différentes d’athéisme. De leur coexistence légale, de leur mélange nécessaire dans l’esprit d’un peuple qui ne raisonne guère sa foi religieuse, est sortie cette incroyance pratique, cette insouciance de la vie future qui caractérise presque tous les Coréens. Tous font les prostrations et offrent les sacrifices devant les tablettes, mais peu croient sérieusement à leur efficacité. Ils ont une notion confuse d’un pouvoir supérieur et de l’existence de l’âme, mais ils ne s’en inquiètent pas, et quand on leur parle de ce qui suivra la mort, ils répondent aussi stupidement que nos libres penseurs de haut et de bas étage : « Qui le sait ? personne n’en est revenu ; l’important est de jouir de la vie pendant qu’elle dure. » Mais, si presque tous les Coréens sont pratiquement athées, en revanche, et par une conséquence inévitable, ils sont les plus superstitieux des hommes.

Ils voient le diable partout ; ils croient aux jours fastes et néfastes, aux lieux propices ou défavorables ; tout leur est un signe de bonheur ou de malheur. Sans cesse ils consultent le sort