Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/326

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roi, traitez-moi selon la loi. » Stupéfait de tant de constance, le mandarin fit son rapport au juge criminel, en demandant ce qu’il y avait à faire. Celui-ci répondit de tuer François sous les coups, s’il s’obstinait à ne rien dénoncer. Le confesseur fut donc mené de nouveau au tribunal, et subit encore toute la série des supplices. Enfin, ne pouvant rien gagner sur lui, le mandarin lui présenta sa sentence, qu’il signa d’un air si satisfait, que tous les assistants se regardaient, muets d’étonnement. Il fut reconduit à la prison et dès le lendemain on lui servit le repas des condamnés, qu’il prit joyeusement ; puis, après lui avoir fait faire le tour du marché, on commença à le battre. Les bourreaux, ayant lié chacun devant soi une natte grossière en guise de tablier, s’évertuèrent longtemps à frapper ; puis, comme leur victime tardait à rendre le dernier soupir, ils le retournèrent sur le dos, lui enfoncèrent leurs bâtons dans les parties naturelles, et l’achevèrent ainsi. François avait alors vingt-sept ans. Quelques jours après, on recueillit son corps, et tous les habitants du village purent constater de leurs propres yeux que sa figure était toute fraîche et souriante. Plusieurs païens, dit-on, se convertirent à cette vue.

François eut un digne compagnon de son triomphe dans Martin In Eun-min-i, jeune noble qui vivait à Tsiou-rai, district de Tek-san. D’un caractère à la fois doux et ferme, Martin avait fait d’assez bonnes études, et s’était lié avec le licencié Alexandre Hoang, qui l’instruisit de la religion. À peine fut-il converti, qu’il enferma les tablettes de ses ancêtres dans un vase, et les jeta à l’eau. Ensuite, il gagna la capitale, où il fut baptisé par le P. Tsiou. Il laissa près du prêtre son fils aîné, nommé Joseph, et maria son second fils dans une famille qui avait alors beaucoup de réputation parmi les chrétiens ; puis, abandonnant sa maison et ses biens, il émigra au district de Kong-tsiou. Ses parents païens ne pouvant comprendre la raison d’une aussi étrange conduite, il la leur déclara franchement, et leur développa la religion, sans réussira gagner leurs cœurs. Arrêté par les satellites du mandarin de Kong-tsiou, il déclara sans détour qu’il était chrétien et voulait donner sa vie pour Dieu. Envoyé à Tsieng-tsiou, il y subit de si violentes tortures, qu’il fut mis hors d’état de marcher. Renvoyé à Hai-mi tribunal criminel de son district natal, il dut être transporté, de relais en relais, sur les chevaux du gouvernement. Sa constance ne se démentit pas un seul instant, et le juge, poussé à bout, le condamna à mourir, comme François, sous les coups. On lui servit le repas d’usage, puis une vingtaine de satellites le prirent et procédèrent à l’exécution de la sentence,