Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/513

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que votre propre fille est prisonnière avec nous, et, quoique j’ignore combien d’années nous devons partager les mêmes souffrances, tant que je vivrai, je ne cesserai de la soutenir de tout mon pouvoir ; de cette manière, il y aura compensation. Avec la charité, que ne ferons-nous pas ? Dieu lui-même a voulu fonder ce monde sur la charité ; si l’amour mutuel en disparaissait, comment le monde se conserverait-il ? L’Église ne forme qu’un seul corps, le ciel et la terre ne forment qu’un seul ensemble, le monde lui-même ne forme qu’un seul tout. Qu’est-ce qui n’est pas fondé sur l’union et l’amour ? Dans un corps il y a beaucoup de membres, quel est le membre qu’on n’aime pas, quel est celui qu’on voudrait rejeter ? On ne vit que par l’aide qu’on se donne mutuellement ; le corps doit aider l’âme, et l’âme le corps ; il n’y a pas d’autre moyen de se conserver la vie. Quoique chaque homme soit un être à part, la tête de l’église c’est Dieu, le cou c’est la Sainte Vierge Marie, les membres ce sont nous tous ; quand même on ne blesserait pas la tête directement, blesser les membres c’est blesser la tête, et de même, aimer les membres c’est aimer la tête. D’après cela, si on aime Dieu, on aimera les hommes, et si on aime les hommes, on aimera Dieu aussi… »

André et ses compagnons passèrent ainsi environ vingt mois en prison, s’excitant à la ferveur et à la patience, épurant leur vertu dans le creuset des tribulations. Pendant ce temps, Anne Ni eut la douleur de voir périr dans ses bras son fils Tsiong-ak-i, mais elle dut en être bien consolée par la pensée de son heureux sort. En effet, ce jeune enfant, non encore parvenu à l’âge déraison, avait suivi, à la prison, sa mère le seul soutien qui lui restait sur la terre. Il supporta avec elle les horreurs de la faim, partagea toutes les privations et souffrances de ces affreux cachots, et la précéda de quelques jours au ciel. Son nom de baptême nous est inconnu,

À la fin, de nouveaux ordres arrivèrent de la cour, et l’exécution des confesseurs fut décidée. On ne sait pas au juste ce qui se passa au moment de leur martyre. Voici d’après une notice rédigée à cette époque, ce qu’on a pu recueillir des personnes de la ville qui en ont été témoins. Lorsqu’ils furent arrivés au lieu du supplice, André Kim, qui avait toujours été considéré comme leur chef, dut passer le premier. Le bourreau, novice dans son métier, se sentit alors sans force et comme paralysé ; la tête du martyr ne tomba qu’au dixième coup. Tous les assistants furent stupéfaits du calme avec lequel André supporta ce supplice sans nom. Témoin de cet affreux spectacle, Joseph Ko dit au bourreau : « Fais attention et tranche-moi la tête d’un seul coup. » Son vœu