Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/523

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans une position aussi critique et aussi décisive, le suivit et se constitua prisonnière avec lui.

Pierre fut mis à la question, et, selon l’usage, on lui demanda d’apostasier, de donner ses livres et de dénoncer ses complices. Il tint ferme au milieu des tortures, et ne laissa pas échapper une seule parole qui pût compromettre qui que ce fût. Le juge voulut d’abord par la douceur amener Thérèse à apostasier pour sauver sa vie. C’était bien peu connaître le grand cœur de cette femme courageuse. Elle répondit avec calme et fermeté : « Dieu étant le père de tous les hommes et le maître de toutes les créatures, comment voulez-vous que je le renie ? On ne pardonnerait pas dans le monde à quiconque renierait ses parents ; à plus forte raison ne doit-on pas renier celui qui est notre Père à tous. » On en vint donc aux supplices, mais elle les supporta avec joie ; son visage ne changeait même pas de couleur, et le mandarin vit de suite qu’il n’obtiendrait pas aisément sa soumission. Dans les interrogatoires faits aux deux époux, elle répondait toujours la première, sans laisser à son mari le temps de prendre la parole, et eut pour cela de plus violents supplices à subir.

Dieu permit qu’ils eussent, pendant tout ce temps, une fidèle compagne de leur captivité et de leurs souffrances, Barbe-Madeleine Ko. Celle-ci était d’une famille du peuple, du district de Tsoi-rieng, province de Hoang-hai. Étant encore païenne, elle suivit son mari condamné à l’exil à la ville de Mou-san, et y rencontra Justin Tsio Tong-siem-i, par qui elle fut instruite de la religion. Son mari étant mort dans cette ville, Barbe, sans être arrêtée par la distance et les difficultés, fit reporter son corps au tombeau de ses pères ; puis, considérant que rien ici-bas n’est comparable au service de Dieu et au salut de l’âme, elle se rendit à la capitale où, après de longues recherches, elle trouva enfin la maison de Pierre Tsio, qu’elle avait vu à Mou-san, pendant la visite qu’il fit à son parent Justin. Au comble de ses désirs, elle resta près de lui, comme servante, assidue à s’instruire et pratiquant la religion de tout son cœur. Quand Pierre et Thérèse furent arrêtés, à la troisième lune, elle ne voulut pas se séparer d’eux et les suivit à la prison, où elle eut à subir les mômes interrogatoires et les mêmes supplices. Elle sut imiter leur constance, et partagea leur sort jusqu’à la fin.

Cependant le procès de ces trois confesseurs traînait en longueur. Le juge ne se pressait pas de porter la sentence, et semblait vouloir les laisser pourrir dans des cachots infects. Ils y restèrent plus de deux ans, se consolant par la pratique fidèle de