Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/577

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les satellites le reconnurent pour un des chefs, et dans les supplices, on n’oublia pas cette circonstance aggravante.

Le juge criminel fit à Paul les interrogations d’usage, et celui-ci ne pouvant, en conscience, répondre à la plupart des questions, fut, malgré son grand âge, soumis à de terribles tortures. Comme on les réitérait plusieurs fois, il sentit ses forces défaillir, et s’écria : « J’abandonne mon corps entre les mains du mandarin ; pour mon âme, je la remets entre les mains de Dieu. » Il fut reconduit à la prison, où il commença aussitôt à exhorter les chrétiens et à leur rendre les petits services en son pouvoir. Cité de nouveau, il montra la même constance au milieu des supplices. Les bourreaux ne craignaient pas de le souffleter, de lui arracher la barbe et de l’accabler de mille injures ; mais Paul disait seulement : « Ces souffrances sont un bienfait, pour lequel je rends grâces à Dieu. » Après quelques autres tentatives inutiles pour ébranler sa résolution, le juge l’envoya au tribunal du gouverneur à Tai-kou. Celui-ci lui dit : « Ces nombreux prisonniers ont été infatués par toi : un plus grave supplice t’est justement dû. » Et en même temps, il lui fit infliger une torture beaucoup plus cruelle. Mais Paul, soutenu par son amour pour Dieu, supportait tout sans se plaindre. Trois jours consécutifs, il dut subir encore des supplices extraordinaires, après quoi le gouverneur, désespérant de vaincre sa constance, prononça la sentence de mort et le fit reconduire à la prison.

Le fils de Paul avait été pris avec lui. Il se nommait André Sasim-i, et son nom légal était Sa-ei. Imbu, dès l’enfance, des principes de la religion, et formé par les exemples de son vertueux père, il se livra de bonne heure aux exercices de piété, et se fit remarquer à mesure qu’il avançait en âge, par une foi et une ferveur peu communes. Réglé dans ses actions de chaque jour, complaisant et charitable envers tous, il brillait surtout par une admirable piété filiale. Quand ses parents étaient malades, il ne les quittait pas, et comme il s’était fait une loi de ne manger jamais qu’après eux, ils étaient obligés de se contraindre alors pour avaler quelque nourriture, afin qu’il pût lui-même prendre son repas. Son père ayant l’habitude de boire un peu de vin, il ne manqua jamais de lui en offrir, malgré la pauvreté de la famille ; il multipliait ses travaux et s’ingéniait en toute manière, pour pouvoir lui procurer cette petite satisfaction. Avait-il besoin de sortir, il ne dépassait jamais le jour ou le moment marqué pour son retour. Dans ces circonstances, ni le vent, ni la pluie ne l’arrêtaient, et il ne craignait pas même de braver les ténèbres