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avait échappé à la mort, en 1801, par l’apostasie, et que nous verrons marcher au supplice en 1839, ne voulut pas se délivrer par une seconde lâcheté, et resta en exil. Les généreux confesseurs que l’on avait emprisonnés et condamnés à mort à Tsien-Tsiou, en 1827, et qui, depuis cette époque, languissaient dans la prison, eurent de même le courage de refuser une abjuration, au prix de laquelle on leur promettait la vie et la liberté. Aussi les verrons-nous plus tard obtenir la plus belle récompense que Dieu puisse donner en ce monde à ceux qui l’aiment, la couronne du martyre.

Pendant l’été de cette même année, le pavillon britannique se montrait sur les côtes de la Corée. Un navire marchand, expédié probablement par quelques agents des sociétés bibliques, aborda près de l’île appelée Ouen-san, presque à l’entrée de la baie formée par la côte Ouest de la province de Tsiong-tsieng. L’étonnement fut général, et les chrétiens surtout étaient en grand émoi, car ce navire portait écrit sur son pavillon, en gros caractères chinois : Religion de Jésus-Christ. Quelques chrétiens, pensant rencontrer des frères, s’empressèrent d’aller à bord, sans s’inquiéter des mauvaises affaires qu’ils pouvaient s’attirer de la part du gouvernement ; mais ils furent bien surpris quand, à leur arrivée, un ministre protestant les salua avec ces paroles qui sont sacramentelles parmi les païens : « Que l’esprit de la terre vous bénisse ! » À ces mots les néophytes voyant qu’ils s’étaient trompés, et devinant qu’un piège était tendu à leur bonne foi, se retirèrent en toute hâte, sans même répondre au salut, et ne reparurent plus[1].

Ce navire demeura plus d’un mois à l’ancre, surveillé jour et nuit par les Coréens. Faute de mieux, les ministres firent déposer sur divers points du rivage plusieurs caisses de livres religieux. On prétend aussi qu’ils envoyèrent au roi quelques cadeaux, avec des livres en chinois et en anglais. Le roi, assure-t-on, refusa de les recevoir, et les fit aussitôt reporter aux étrangers, sans permettre même de les ouvrir. Cette impolitesse refroidit le zèle des colporteurs de bibles qui, tout bien considéré, jugèrent à propos de ne pas s’aventurer dans l’intérieur des terres. Ils avaient raison, car ils y auraient trouvé autre chose que ce qu’ils cherchaient, et ils durent, sans doute, se féliciter de leur prudence,

  1. Gutzlaff et Lindsay, les prédicants dont il est ici question, ont publié la relation de leur voyage. Entre autres assertions aventurées, ils prétendent qu’à l’époque de leur séjour près de la côte, il ne restait en Corée aucune trace de christianisme.