Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LIVRE III

Depuis la fin de la persécution jusqu’à la mort de Mgr Ferréol, troisième vicaire apostolique de Corée.
1840-1853.




CHAPITRE I.

Premières tentatives de M. Ferréol pour entrer en Corée. — État de la chrétienté. — Les martyrs de 1841.


Pendant que le gouvernement coréen se félicitait d’avoir, par le meurtre des missionnaires et de presque tous les chrétiens influents, porté un coup mortel à la religion de Jésus-Christ, Dieu préparait de nouveaux apôtres à cette Église désolée. Avant qu’aucune nouvelle de la persécution fût parvenue en Chine, M. Ferréol s’était mis en route pour la Corée.

Jean-Joseph Ferréol, né en 1808, à Cucurron, dans le diocèse d’Avignon, était prêtre depuis quelques années, lorsque, en 1838, il vint au séminaire des Missions-Étrangères, se préparer à l’apostolat des infidèles. Il quitta la France au commencement de mai 1839, sur un navire de Bordeaux, et protégé durant son voyage par les prières de ses trois confrères et des autres martyrs coréens qui alors même versaient leur sang pour la foi, il arriva heureusement en Chine le 23 janvier 1840. Il séjourna six semaines à Macao, puis s’embarqua de nouveau, le 6 mars 1840, sur une barque païenne. Après trente-six jours d’une navigation pendant laquelle il courut plusieurs fois le danger de tomber entre les mains des pirates, il put débarquer dans la province du Fo-kien. De là il prit la route de terre, et traversa toute la Chine du sud au nord, voyageant tantôt à pied, tantôt en palanquin, le plus souvent en barque sur les canaux et les rivières, passant tour à tour pour petit mandarin, contrebandier d’opium, docteur, homme de tribunal, marchand de tabac, et même prince tartare. Quoique sa figure fût très-peu chinoise, et qu’il ne pût encore s’exprimer dans la langue du pays, il ne fut pas reconnu pour Européen, et réussit à faire sans accident fâcheux ce long et périlleux voyage. À Ou-tchang-fou, capitale du Hou-pé, il logea tout près de la prison où était