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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/263

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répandait une odeur fétide ; ses souffrances étaient extrêmes, et cependant, quand il était seul et se croyait sans témoins, il s’étendait sur la terre nue ou sur des pierres, dans la pensée qu’une natte était d’un trop grand luxe pour lui. Cette humble et héroïque patience frappait d’admiration les païens aussi bien que les chrétiens. Pierre souhaitait ardemment qu’un de ses neveux, homme fervent et instruit, vint le préparer à la mort ; Dieu lui accorda cette grâce. Quand ce neveu arriva près de lui, son corps épuisé n’avait plus qu’un souffle, mais ses idées conservaient encore toute leur lucidité. Ils passèrent la nuit en conversations pieuses, et le lendemain vers midi, pendant qu’ils parlaient encore de Jésus et de Marie, tout à coup Pierre dit avec une joie sereine : « Voilà Jésus et Marie qui viennent à moi, du côté de l’ouest, » et en disant ces mots, il expira. C’était le 6 de la première lune de 1841 ; il avait alors soixante-six ans.

Quand Pierre eut rendu le dernier soupir, l’odeur nauséabonde qui s’exhalait de son corps cessa subitement, et quoique le ciel fût très-pur et sans le moindre nuage, un météore semblable à un arc-en-ciel très-brillant parut et se reposa sur la chambre où était le corps. La nouvelle de cet étrange phénomène se répandit rapidement dans le voisinage, et tous, chrétiens et païens, sortirent de leurs maisons pour le voir de leurs propres yeux, et ne purent retenir l’expression de leur étonnement. Quand on voulut l’enterrer, la terre était partout gelée et couverte d’une neige abondante ; on ne savait où creuser la fosse. On découvrit enfin un petit espace, de la largeur et de la longueur nécessaires, où la terre n’était ni gelée, ni couverte de neige, et là on déposa le corps de ce pauvre mendiant, pour la mémoire duquel, non-seulement nos néophytes, mais les païens eux-mêmes ont conservé la plus grande vénération. Il est certain que Pierre pratiqua la vertu d’humilité dans un degré héroïque ; quant au signe éclatant par lequel Dieu aurait glorifié celui qui de lui-même s’était tant abaissé, nous dirons seulement que plusieurs des personnes qui avaient vu cet arc-en-ciel ont affirmé le fait par un serment solennel, et ont déposé entre les mains de Mgr Daveluy leur témoignage écrit et signé de l’authenticité du prodige.